UNE INTRODUCTION
Gordon Wilson et Craig Weston sont d’anciens élèves de l’École Internationale de Théâtre
Jacques Lecoq à Paris. En 1991, ils se sont retrouvés, en Belgique cette fois-ci, où ils participai-
ent tous deux à ANTIGONE, a contemporary opera, (1991) de l’Ensemble Leporello.
Ce spectacle a été suivi de trois autres productions de l’Ensemble Leporello dans lesquelles
ils se sont produits ensemble. Entre-temps, ils ont découvert qu’ils partageaient un même
point de vue sur le théâtre; c’est de cette approche commune qu’est née en 1995
la compagnie The Primitives.
La création de la compagnie était dictée par l’envie de sortir du circuit théâtral traditionnel.
The Primitives sont partis en quête d’une forme théâtrale qui ne soit pas uniquement destinée
à une quelconque “élite”. Dans cette optique, ils ont créé des spectacles pouvant tout aussi bien
être présentés dans un théâtre que dans un centre paroissial ou une maison de jeunesse.
Finalement, leur quête les a conduits dans leur milieu naturel: la rue.
Aujourd’hui, après plus de dix ans sur les routes, après neuf productions destinées aux salles
et à la rue, après des tournées dans tous les pays d’Europe, en Amérique du Nord
(et bientôt du Sud), en Israël et en Palestine, en Australie, en Corée et au Japon, tous les projets
d’avenir de Thes Primitives continuent à être des réponses passionnées à un défi.
Celui qui consiste à offrir à un public aussi large que possible un mélange de suspense,
d’humour, d’émotion et de beauté.
THE PRIMITIVES - L’HUMOUR GRINÇANT
C’est lors de leur formation chez Jacques Lecoq à Paris que The Primitives ont découvert
l’univers du clown et l’humour basé sur les déboires de l’être humain. Ce style de jeu exige de
l’interprète un investissement total dans le présent, “ici et maintenant”.
Il exprime l’universalité du pauvre type qui, malgré tous les revers, conserve sa foi
dans le monde, dans la vie et en lui-même.
Cette approche est l’une des bases du travail de la compagnie. Dans les spectacles de
The Primitives, il n’y a pas de nez rouges, ni de chaussures géantes, ni de fleurs projetant
un jet d’eau. Et pourtant la clownerie profonde reste l’un des éléments principaux de leur
activité. Leur humour s’exprime plutôt à travers les situations que dans des gags, et s’appuie
souvent sur les rapports hiérarchiques entre les personnages, “patrons” et “subalternes”.
Sur la démolition de l’arrogance. Les prouesses du barbouilleur qui arrive à créer de la beauté.
D’incroyables gagnants et des perdants dont on se régale sans fin.
LA MUSIQUE
La musique est le deuxième pilier des activités de la compagnie. Craig Weston est musicien
et compositeur de formation, et les deux membres fondateurs de The Primitives partagent
une fascination et un grand amour de la musique et de tout ce qu’elle peut offrir au théâtre.
Leur musique se chante, se scande, se fait rap ou percussion. Par ailleurs, le processus
de création de leurs pièces est un véritable travail de composition, qui accorde
une immense attention à la musique de la pièce, au rythme intérieur d’un personnage,
à la force percutante d’un dialogue, à la valeur d’un silence bien placé.
Cette approche du spectacle en tant que partition est devenue l’une des caractéristiques les
plus typiques de la compagnie.
UN LANGAGE THÉÂTRAL À TROIS VOLETS ;
LE THÉÂTRE COMME LIEU DE RENCONTRE
Le troisième fondement du travail de The Primitives est la recherche d’un théâtre qui puisse
réunir les individus. Dans le climat sociétal actuel d’isolement, régi par les modes,
l’appartenance à une classe sociale, les polarisations politiques, le nationalisme galopant
et la philosophie du “Jeder für sich und Gott gegen alle”, la compagnie veut faire du théâtre
soulignant nos points communs. À partir de situations familières, les comédiens incarnent
des personnages que nous reconnaissons tous. Dans leurs spectacles, que ce soit en salle
ou dans la rue, The Primitives veulent être des catalyseurs déclenchant des rencontres
extraordinaires. Ils recherchent ce qui nous lie, plutôt que ce qui nous distingue
les uns des autres.
Voilà pourquoi depuis leur tout premier spectacle, Up, les rapports humains et les thèmes
essentiels sont au coeur de leur travail. Les pères et les fils, la cuisine, la lessive, le nettoyage
et la propreté, les mères et l’amour… Par ses spectacles, la compagnie
veut toucher des gens d’horizons très différents.
C’est pourquoi The Primitives font appel à un langage théâtral simple en apparence,
un style de jeu très physique, un mélange d’humour et d’émotion.
Ils préfèrent que les spectateurs suivent leurs histoires par le biais des sentiments,
plutôt que de la langue. Dans les spectacles de The Primitives, les costumes, accessoires et
décors sont réduits au strict minimum, car le moteur de leur univers théâtral est le tempo
et le rythme, la musicalité dans le son et le jeu.
The Primitives recherchent – sans vergogne – un théâtre qui est populaire,
mais tout sauf populiste.
MÉTHODE DE TRAVAIL
Chez The Primitives, la création d’un nouveau spectacle ressemble au travail
d’un tailleur confectionnant un costume sur mesure pour un client exigeant.
Il n’est pas rare qu’une première version soit présentée, puis qu’elle soit modifiée
radicalement pour la reprise, à partir des conclusions tirées après les premières
représentations.
Ainsi, après la première tournée de la version de rue de Wash It – même si elle était
très réussie –, la compagnie n’en était pas contente. Elle a alors décidé de réécrire entièrement
le spectacle en adoptant un nouveau principe dramaturgique et de nouveaux personnages !
C’est surtout le travail présenté dans la rue qui vit et évolue à partir de la première confron-
tation avec le public. Oser cette confrontation, rester critique tout en prenant du plaisir et en
ressentant une grande liberté à jouer dans la rue, est un véritable défi. Nous devons le relever
pour que, pleinement épanoui, le spectacle soit ce que les créateurs et interprètes ont de mieux
à offrir au public.
Notre rapport à la parole est lié à ce point de vue. The Primitives n’hésitent pas à parler dans
leurs pièces – ils le font parfois même sous la forme de vagues musicales. Mais le texte n’est
jamais le pivot du spectacle ; ils sert uniquement à véhiculer le contenu.
Il fonctionne soit comme une bande-son, soit comme une série de jalons que suivent les comé-
diens et les spectateurs pour effectuer le trajet du spectacle.
En raison de la dimension internationale de la compagnie, il faut que ses pièces de théâtre de
rue soient accessibles à un public pluriculturel. Elle fait appel à plusieurs solutions pour arriver à
ce résultat.
Hark et T sont des pièces muettes, où tout s’exprime uniquement par le jeu des acteurs et la
musique. Pour Cook It et Wash It, la compagnie a mis au point un sabir personnel polyglotte ;
lors des représentations, il était toujours possible de traduire les mots ou expressions clés dans
la langue des spectateurs. Dans Swan Lake, l’un des personnages traduit tout ce que dit l’autre
à l’intention du public. À chaque fois, les décisions concernant l’usage des langues sont prises
en fonction de la dramaturgie, du récit et de la nature des personnages.
Le choix de créer à la fois des spectacles de rue et de salle s’est fait tout naturellement.
En effet, les répétitions de Up, la première production de The Primitives, avaient fourni plus de
matière que ce que nécessitait le spectacle. Ce “matériel excédentaire”, plus adapté
à un spectacle de rue, a été à la base de Hark. Le spectacle Up, présenté en salle,
et le spectacle de rue Hark sont donc tous deux issus d’un même processus de répétition.
Pour les deux productions suivantes, Cook It et Wash It, il a été décidé de créer deux
versions de chaque spectacle, l’une destinée aux salles, l’autre à la rue. En fait,
c’est toujours la matière elle-même qui désigne la destination – rue ou salle – du spectacle
lorsqu’il sera terminé. Ainsi, dès qu’il a été décidé que l’élément essentiel du décor de Swan
Lake serait une camionnette, il était évident que le spectacle allait être joué dans la rue.
Les membres de la compagnie affectionnent leur identité de têtes de mule
non subventionnées, qui continuent à investir les théâtres autant que les rues. Dans leurs projets
d’avenir, ils persistent à regarder dans les deux directions à la fois.